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Cours ta ville // Courir à Noël

Cours ta ville // Courir à Noël

- Photos de Kevin Lynch 

Le monde est figé. Le temps suspend son vol hypersonique. La lumière du matin ruisselle, étincelante. L’air est froid. La surface, quelques jours après le verglas, est encore incertaine. Tu quittes la maison, sa chaleur, ses gens, ses odeurs de lendemain de grande fête et la vaisselle qui traine sur le comptoir.
 
Courir le matin de Noël est un des moments de l’année que tu préfères.
 
C’est une pause dans la pause. La folie des jours qui déboulent s’est arrêtée. L’avalanche de préparatifs et de cadeaux aussi. Il ne reste plus qu’à profiter des longues heures qui s’étirent malgré la brièveté des jours aux alentours du solstice d’hiver. Pour un moment, tu t’extrais des célébrations et tu sors prendre l’air, pour l’avaler à grandes goulées. La première respiration rime avec réparation. Sa fraicheur anesthésie tes bronches irritées par les conversations. Elle est revigorante.

Tu cours et tu sens, physiquement, ton esprit qui se détend. Tes épaules se relâchent. La pression tombe. Les retrouvailles avec la famille t’ont fait le plus grand bien. Te coucher tard, rire, trop manger et trop boire. Ne pas être sage. Tu ne cours pas pour te purifier de cela, puisque ces gestes font partie d’un vaste plan de déprogrammation temporaire. Il était temps que tout s’arrête, tu le réalises en parcourant les rues, désertes pour la plupart. Sauf pour d’autres coureurs, quelques marcheurs, tous venus, comme toi, prendre une pause en filant à travers la ville, sans réelle destination. En boucle. S’éloigner pour mieux revenir.
 
La grande marche de la productivité retient son souffle tandis que tu vois le tien, sous forme de vapeur, s’éloigner dans ton sillage.
 
Tu ne regardes pas ta montre. Tu cours pour le geste, pour le plaisir. Parce que c’est le cadeau que tu te fais en cette journée placée sous le signe de la gratitude.
 
Tu te dis que toutes tes sorties, qui se comptent par dizaines ou par centaines de kilomètres, convergent vers ce moment, libre d’entraves, et que la répétition du geste te permet de faire en toute liberté. Cinq, dix, quinze kilomètres t’attendent. La distance ne compte pas. C’est l’aisance avec laquelle tu la franchis qui est réjouissante. Une année à entrainer ton corps pour ceci : courir par plaisir, dans le plus pur moment qui soit, pour te faire du bien.

Tu zigzagues dans les rues pour éviter le vent. La ville t’en protège; tu aimes la voir ainsi assoupie. Géant en mode veille. Belle à voir lorsqu’elle dort en plein jour comme maintenant. Tu improvises ton parcours à mesure que tu avances. Ah, tiens, voici une rue où tu ne vas jamais. Tu y vois des familles sortir de maisons, de logements, les bras chargés de cadeaux et de nourriture. Les visages fatigués, mais heureux. Les cris des enfants résonnent comme des accords parfaits. Tous dans la gamme majeure. Celle du bonheur.
 
Tu files le tien sur le chemin du retour. La tête en gigue. Le cœur en décembre. Les tiens t’attendent, avec ton odeur d’air froid, tes sourcils givrés, tes chaussures marquées par le sucre à (dé)glacer épandu sur les trottoirs. Ils te trouvent brave. Tu leur souhaites simplement de comprendre un jour ce que tu ressens en ce moment, alors que ton corps renoue avec l’inertie, vibrant de la beauté du mouvement qui s’achève.