Nos vies sont toutes de guingois. Elles penchent du côté de l’excès ou du manque. Trop d’obligations. Pas assez de temps libres. Nous fouillons à l’intérieur de nous-mêmes pour trouver la motivation de faire autrement, pour vaincre l’inertie, pour rompre avec la séquence des agendas qui ont été remplis comme des sacs surdimensionnés, destinés à des dos infatigables qui n’existent que dans des fantasmes où nous nous imaginons surhumains, parfaits.
Il faut s’en évader. Il faut refuser l’impossible absolu de la productivité.
Alors nous courons. Alors vous courez.
Pas toujours parfaitement. Jamais comme ces athlètes dont la foulée est un poème. Chaque centimètre de leurs pieds touchant le sol, à chaque pas, avec la régularité d’une pièce en alexandrins.
Parce que cette excellence n’est pas l’objectif à atteindre. Nous voulons courir comme on gambade. Avec l’enthousiasme des enfants qui s’élancent chez leurs amis après le souper, avec le sentiment de fuir l’immobilité pour trouver refuge dans le rythme que l’on s’impose soi-même.
Qu’il soit rapide ou d’une extrême lenteur, cela n’a pas d’importance. Que vous prépariez une compétition en suivant un programme rigoureux ou que vous couriez jour après jour la même courte distance, nous n’en avons cure. Que vous le fassiez pour évacuer le stress, pour retrouver la forme, pour des motifs liés à votre santé, cela vous appartient.
Vous courez. Nous courons. C’est tout ce qui compte. C’est ce que nous partageons.
Il faut courir pour que tout le reste cesse de bouger dans nos têtes, que les idées retrouvent leur place, et enfin qu’elles respirent à mesure que nos poumons s’emplissent et se vident, que nos jambes encaissent les chocs, que nos bras battent l’air comme pour nous tirer sans cesse vers l’avant.
Vous courez pour ça. Nous aussi. Alors il est temps de nous rassembler. Pour partager le véritable sens du sport, communier à l’autel de nos déceptions et réussites, célébrer notre différence dans l’imperfection de mouvements parfois incertains, malhabiles, et pourtant superbes. Parce que courir, peu importe comment, est une victoire sur tout ce qui conspire pour nous en empêcher.
Faux Mouvement est une boutique, un café. C’est un lieu de rencontre, un point de ralliement. Mais c’est avant tout une idée, qui a jailli dans des esprits qui partageaient un intérêt pour la course parce que celle-ci s’insère idéalement dans nos vies qui penchent, qui courbent le dos, qui ploient sous la charge. On enfile des chaussures, un vêtement confortable. Et on part. Seul ou accompagné. Avec ou sans musique. Vite ou lentement. Avec grâce ou en s’escrimant avec le vide autour de soi.
À la fin, nous partageons la même plénitude. Un sentiment identique. Celui du sublime qui naît dans le désordre, au fil des petits moments de grâce que provoque l’influx de dopamine et d’endorphines. Le rythme que nous nous imposons remet de l’ordre dans nos têtes, soulage nos âmes autant que nos corps. Ce n’est pas de la magie, mais ça s’en approche.
Nous sommes un club sans nom, sans code, sans obligations. Nous n’avons pas de chef.
Nous courons. Vous courez. Voilà qui suffit pour que vous en fassiez tous et toutes partie. En fait, nous ne sommes même pas un club. Seulement un nom que l’on prononce comme celui d’un ami avec lequel on partage l’envie d’aller voir ailleurs pour s’y retrouver.